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Titre du blog : Panthéon du texte
Auteur : pantheondutexte
Date de création : 03-04-2011
 
posté le 06-03-2012 à 23:19:39

Naissance d’un projet littéraire



Confidences sur la naissance d'un projet littéraire :

                                              « Signal fort »


   Si l’écriture de Signal fort est récente, la trame de l’histoire est, quant à elle, bien ancienne. Un petit rapport avec « Mai 68 » n’échappera sans doute pas au coup d’œil averti de quelques lecteurs. C’est en  88, que l’histoire a commencé à montrer le bout de son nez. Dans l’université de Paris X Nanterre, ce 22 Mars, on commémora le début des mouvements de 68. Une commémoration dans l'ambiance du sujet, étant donné le climat d’agitation et d’effervescence militante qui régnait depuis quelques années, dans l’élan des mouvements étudiants de Novembre, Décembre 86. Étudiante à l’époque, j’étais chargée d’accueillir des journalistes d’une chaîne publique de télé, qui allaient relater l’événement. Avec moi, une autre étudiante dont j’ignorais tout, jusqu’au nom. Elle ne me lâchait pas d'une semelle, mais en fait, c’était la présence des journalistes qui retenait son attention. Un moment, elle réussit à entamer la discussion avec eux et leur confia que son rêve le plus cher était devenir journaliste. Mais elle reçut une réponse aussi cinglante que décourageante : – « Encore ! Mais ma parole, vous voulez tous faire le même métier ! »


   La journaliste qui répondit n’avait sans doute pas tout à fait tort, tant ce genre de métier était un phénomène de mode, mais en même temps, comment ne pas penser que ça pouvait être une vocation pour certains étudiants ? Chez cette fille, la passion du métier brillait dans ses yeux. La réponse aurait sans doute dû être moins brutale. D’ailleurs, l’étudiante, après ça, changea de comportement et garda ses distances. Elle avait été visiblement blessée. 


    Cette étudiante, sans le savoir, allait être le modèle de ma prochaine héroïne. En même temps, je prenais des notes sur la vie militante de l’époque. Je tenais à préserver des souvenirs, une atmosphère. Il y avait une évidente chaleur humaine qui ne se remarquait pas ailleurs et qu’il fallait, à tout prix, garder en mémoire quelque part.


    A cette époque, je ne m’intéressais pas encore à la période antique, en dehors de mes études et il n’était donc pas encore question de roman mythologique. Contrairement à ce qu’on peut penser le rapprochement entre les mouvements étudiants et l’époque gréco-romaine ne vient pas de moi, mais de professeurs anciens soixanthuitards, et ne serait pas qu’une légende. Le premier qui m’en parla en avait d’ailleurs un point de vue négatif. Il avait écrit un livre sur le sujet, dans lequel il expliquait avoir abandonné le courant du « paganisme de Mai 68 », pour adopter des opinions plus modérées et surtout plus chrétiennes, car fidèles aux préceptes de Saint-Augustin. Si je l’avais rencontré, c’est parce que je devais retranscrire ses propos pour un article qui devait paraître dans un fanzine universitaire. D’autres enseignants ont lu l’article et m’ont confirmé qu’il y avait bien eu un attrait pour « le modèle antique » à cette période-là. Un paradoxe intéressant, car on sait que c’est aussi avec Mai 68, que s’effondra le dernier pan de rigueur classique, notamment dans l’enseignement.


    Dans les années qui suivirent, germa l’idée d’un « roman mythologique». Une idée qui n’a pas mûri dans la solitude d’un lieu clos, comme on pourrait le croire. Je m’informais ça et là, posait des questions. Un étudiant me fournit des informations précieuses sur les croyances antiques, un autre me confia un livre sur un autre sujet, etc. 

 
    Le type d’innovation littéraire dans lequel je m’engageais, ne me permettait pas d’écrire un livre à la suite d’un autre. Il me fallait concevoir plusieurs histoires en même temps, afin de les agencer, un peu à la manière d’un puzzle, afin de reproduire la mosaïque des mythes anciens. Je commençais par m’intéresser d’abord à l’expérience elle-même avant de penser à un résultat abouti. Mais du coup, l’histoire du début fut relayée par une autre, avant même d’être achevée. Elle finit par atterrir dans la profondeur d’un tiroir et y resta très longtemps.


    En 2004, un événement ranima le souvenir de cet écrit délaissé. Des journalistes avaient été pris en otage et on n’était pas sûrs de les retrouver en vie. Il y avait une certaine tension et du coup, une certaine mobilisation afin de sensibiliser l’opinion. Une manifestation de soutien eut lieu sur la place du Trocadéro avec, comme acte symbolique, un lâcher de ballons bleus, blancs et rouges. L’événement fut retransmis en direct, à télévision. Je regardais ces images et repensais alors à ce que j’avais écrit quelques années plus tôt. Fallait-il ou non reprendre l’écriture de ces pages délaissées ? Face à une telle question, j’avais  besoin de réfléchir et donc, je fis un petit tour dans le jardin de mon père, qui habitait les Yvelines, et chez lequel je résidais provisoirement. Mais ma réflexion fut vite compromise par un imprévu à peine croyable. Levant les yeux, j’aperçus une forme rouge. C’était un ballon et sa forme se précisa au moment de la descente. Il descendit doucement, jusqu’à moi et arriva sur une haie. Je n’avais qu’à tendre le bras pour l’attraper.


    L'habitat était situé à une vingtaine de kilomètres du Trocadéro. Il n’y avait donc aucun mystère sur la provenance de ce ballon. Et en même temps j’avais la réponse à ma question. La vieille histoire oubliée ressortit du tiroir et, après de sérieuses modifications, trouva une nouvelle jeunesse. Puis, il y eut le dernier point de la dernière ligne. Le roman était achevé, mais en même temps, il ne s’agissait que d’une première version. Celle-ci fut bouleversée par d'autres  imprévus : des affaires troubles au sujet desquelles je ne m’étalerai pas, et qui s’étaient plus ou moins répandues dans la presse. Elles me concernaient un peu, pour avoir moi-même longuement fréquenté le milieu militant et récolté, au passage, de multiples confidences qui, quant à elles, n’atteignaient pas toujours les colonnes des journaux. Alors tout à coup, cette idée, qui avait presque une allure de farce, d’ajouter des faits journalistiques à une histoire mythologique déjà rédigée. Je le fis sans grande conviction, car pas vraiment certaine que la combinaison des deux genres allait donner un résultat heureux. L’histoire que raconte « Signal fort », ne devait pas être seulement une fiction, mais une histoire de tous les temps et racontant des faits perpétuels. Manquant de recul, pour me faire un jugement personnel, je soumettais cette deuxième version à l’avis de plusieurs autres lecteurs.


Il restait un dernier point pour parachever le roman : le titre. Si on se fie à l’histoire, on peut penser qu’il a été trouvé très tôt. Ce n’était pas le cas. Le titre a donc été l’occasion d’une nouvelle retouche du récit.


    Quant à l’idée du titre, elle se fit avec l’aide d’un ami qui remarqua sur un bus, une destination finale du nom de « Terre forte ». Il fut séduit par cette appellation, mais je lui fis remarquer qu’elle ne pouvait pas coller à l’histoire, notamment à cause du nom : « Terre ». De là, l’idée de garder l’adjectif « fort » et de lui mettre le nom qui allait parfaitement correspondre au récit : « Signal ». 


    On ne l’imagine sans doute pas, mais il peut y avoir une histoire derrière l’histoire. Un livre n’est pas qu’un produit de consommation. Il a besoin de maturité et il est peut-être important de comprendre que certains auteurs préfèrent prendre leur temps, afin de puiser dans les riches ressources littéraires, toute une part de trésor que nous continuons d’ignorer. L’histoire du livre n’est donc pas figée, mais en continuelle mutation, même s'il reste toujours une part de non-dit derrière des pages noircies.
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Paru  le 1er Mars, dans les librairies de France : Signal fort, aux Editions de l’Onde.